Lu aujourd'hui dans l'équipe :
Sky dans la tourmente suite à l'affaire des AUT et du colis suspect
L'équipe de Brailsford s'est empêtrée dans l'affaire des AUT de Wiggins et du colis suspect. Et la Grande-Bretagne se sent trahie.
Gilles Simon et Jean-Luc Gatellier
Dans un pays où la parole publique a encore de la valeur et où l'on refuse de composer avec le mensonge, cela commence à ressembler à une trahison.
Lorsqu'il avait fait connaître l'équipe Sky au grand public, en 2010, Dave Brailsford avait récité sa profession de foi : il se voulait en totale rupture avec les usages douteux d'un cyclisme prisonnier de son passé et clamait qu'il ne transigerait jamais avec la ligne de conduite qu'il s'était fixée. Sky allait laver plus blanc que blanc, coûte que coûte et sans relâche.
Mais depuis cet automne, c'est un autre genre de lessiveuse qui s'est mise en marche. Les Fancy Bears (*) ont d'abord révélé l'usage d'AUT (Autorisations à usage thérapeutique) par Bradley Wiggins, puis la livraison d'un mystérieux paquet a piqué la curiosité d'une commission parlementaire et l'agence antidopage nationale (UKAD) a diligenté une enquête sur Sky et sa maison mère, la Fédération britannique (British Cycling). Depuis, pas une semaine ne passe sans que de nouvelles accusations ne viennent semer le trouble. Et fassent tousser l'opinion publique.
L'ancien responsable médical de la formation britannique, le docteur Richard Freeman, est au centre des débats. Dans une équipe biberonnée aux mamelles du professionnalisme et de la rigueur, sa légèreté interpelle. L'enquête de l'UKAD a établi que Freeman avait commandé des quantités de triamcinolone (le produit visé par les AUT) bien supérieures à celles dont Bradley Wiggins avait besoin. À qui étaient-elles destinées ? L'agence antidopage britannique a aussi établi que des patches de testostérone (une hormone totalement interdite) avaient été livrés à l'attention de Richard Freeman au siège de British Cycling, en 2011. Steve Peters, qui en était alors le responsable médical, a témoigné qu'il s'agissait d'une erreur de livraison et qu'il avait demandé à Freeman de faire établir des documents qui le prouvaient. Seulement, ce dernier s'est fait voler l'ordinateur portable dans lequel ces preuves étaient conservées...
«On ne veut pas que Dave [Brailsford] parte !» Nicolas Portal, directeur sportif de Sky
Dimanche, c'était au tour de David Walsh d'en rajouter une couche. Le journaliste du Sunday Times, qui avait apporté sa caution morale après avoir passé toute une saison avec accès illimité à tous les secteurs de l'équipe, a raconté que des médecins de Sky s'étaient opposés à Freeman lorsqu'il avait voulu solliciter une quatrième AUT pour Wiggins. Et que l'un d'eux, Alan Farrell, avait même changé l'identifiant qui permettait l'accès au compte ADAMS (le système d'administration et de gestion antidopage de l'AMA, l'agence mondiale antidopage) de l'équipe pour empêcher Freeman d'en faire la demande.
La Grande-Bretagne s'interroge désormais sur l'intégrité de Wiggins et Brailsford, qu'elle a pourtant anoblis après le succès du premier dans le Tour de France 2012. Selon le site Cycling news.com, des coureurs de Sky envisageraient de demander le départ du manager. Mais mardi, en montant dans sa voiture sur la route du Paris-Nice, à l'abri des vieilles pierres qui donnent son cachet au village de Chablis, Nicolas Portal, le directeur sportif français, répétait deux fois : «On est agacés, c'est pénible... C'est du pipeau complet ! Hier (lundi), Luke Rowe était très énervé de lire ça, Philip Deignan aussi. Dans l'équipe, on n'a aucun problème avec ça. Les coureurs sont super motivés, ça fait deux jours qu'ils sont au taquet, ça ne nous perturbe pas dans notre travail.»
Il ajoutait dans un soupir : «On est habitués, les (accusations de) moteurs dans le vélo, les coureurs qui dorment dans les caisses à oxygène, et quoi d'autre encore ? On a confiance en Dave. S'il s'en va, la structure restera. Mais nous, on ne veut pas que Dave parte, on ne veut pas voir quelqu'un d'autre à sa place.»
Comme prévu de longue date, Sky se retirera en tant que sponsor à la fin de la saison. Dave Brailsford lui aurait d'ores et déjà trouvé un successeur. Mardi, le manager a envoyé une lettre au président de la commission parlementaire en reconnaissant «des erreurs » mais en pointant du doigt les «fausses accusations». Saura-t-il se montrer suffisamment convaincant pour résister à la tempête et se maintenir à la barre du navire en 2018 ?
(*) Groupe de hackers qui a déjà obtenu et publié un certain nombre d'autorisations thérapeutiques de multiples sportifs.
Les réponses de l'équipe
Le Team Sky a publié un document répondant à certaines des questions posées par la commission parlementaire ou l'enquête de l'UKAD. En voici les principaux points.
Le fluimucil
Il s'agit du médicament présent, selon Dave Brailsford (manager général de Sky), dans le fameux paquet livré à Wiggins le soir de sa victoire dans le Dauphiné 2011. Le fluimucil est un banal décongestionnant pour les bronches mais Sky affirme : 1. Que la forme utilisée par l'équipe n'était pas disponible en France ; 2. Qu'en tant que médecin britannique, Freeman n'avait pas le droit de délivrer des prescriptions en France, d'où la nécessité de faire venir les ampoules du siège de British Cycling, où elles étaient stockées après avoir été achetées... dans une pharmacie de Munich.
Les dossiers médicaux
Les médecins devaient enregistrer les informations sur les traitements accordés aux coureurs dans un système Dropbox consultable par chacun des toubibs du staff. Sky explique cependant que le docteur Freeman a connu quelques difficultés d'adaptation à cette nouvelle technologie et qu'il a parfois préféré stocker les données sur son ordinateur personnel... qui lui aurait été volé en 2014.
Sky reconnaît ainsi ne plus disposer de données relatives aux traitements qu'a reçus Bradley Wiggins lors du Dauphiné 2011. «Mais il est faux d'en tirer la conclusion que l'équipe n'avait pas de dossiers médicaux ou que l'ensemble de notre équipe médicale était défaillante dans la conservation de ces dossiers », précise le document.
Le triamcinolone
Sky affirme que ses dossiers indiquent l'usage de 55 ampoules de ce corticoïde sur une période de quatre ans, de 2010 à 2013. «Une petite proportion seulement (sans davantage de précision)» a été administrée aux coureurs, et notamment à Bradley Wiggins sous couvert des AUT requises. La majorité a servi à l'usage privé du docteur Freeman (pour ses propres patients) et à soigner des membres du staff (dont Dave Brailsford lui-même). L'équipe affirme ne rien pouvoir confirmer du détail de ces usages, couverts par le secret médical.
L'organisation
Sky précise par ailleurs avoir sans cesse amélioré l'organisation de son staff médical et assure que l'équipe engagera, dans les prochaines semaines, un responsable de «la gouvernance médicale», chargé de s'assurer que tous les processus sont respectés mais aussi d'identifier les domaines qui nécessitent des améliorations.
Sky dans la tourmente suite à l'affaire des AUT et du colis suspect
L'équipe de Brailsford s'est empêtrée dans l'affaire des AUT de Wiggins et du colis suspect. Et la Grande-Bretagne se sent trahie.
Gilles Simon et Jean-Luc Gatellier
Dans un pays où la parole publique a encore de la valeur et où l'on refuse de composer avec le mensonge, cela commence à ressembler à une trahison.
Lorsqu'il avait fait connaître l'équipe Sky au grand public, en 2010, Dave Brailsford avait récité sa profession de foi : il se voulait en totale rupture avec les usages douteux d'un cyclisme prisonnier de son passé et clamait qu'il ne transigerait jamais avec la ligne de conduite qu'il s'était fixée. Sky allait laver plus blanc que blanc, coûte que coûte et sans relâche.
Mais depuis cet automne, c'est un autre genre de lessiveuse qui s'est mise en marche. Les Fancy Bears (*) ont d'abord révélé l'usage d'AUT (Autorisations à usage thérapeutique) par Bradley Wiggins, puis la livraison d'un mystérieux paquet a piqué la curiosité d'une commission parlementaire et l'agence antidopage nationale (UKAD) a diligenté une enquête sur Sky et sa maison mère, la Fédération britannique (British Cycling). Depuis, pas une semaine ne passe sans que de nouvelles accusations ne viennent semer le trouble. Et fassent tousser l'opinion publique.
L'ancien responsable médical de la formation britannique, le docteur Richard Freeman, est au centre des débats. Dans une équipe biberonnée aux mamelles du professionnalisme et de la rigueur, sa légèreté interpelle. L'enquête de l'UKAD a établi que Freeman avait commandé des quantités de triamcinolone (le produit visé par les AUT) bien supérieures à celles dont Bradley Wiggins avait besoin. À qui étaient-elles destinées ? L'agence antidopage britannique a aussi établi que des patches de testostérone (une hormone totalement interdite) avaient été livrés à l'attention de Richard Freeman au siège de British Cycling, en 2011. Steve Peters, qui en était alors le responsable médical, a témoigné qu'il s'agissait d'une erreur de livraison et qu'il avait demandé à Freeman de faire établir des documents qui le prouvaient. Seulement, ce dernier s'est fait voler l'ordinateur portable dans lequel ces preuves étaient conservées...
«On ne veut pas que Dave [Brailsford] parte !» Nicolas Portal, directeur sportif de Sky
Dimanche, c'était au tour de David Walsh d'en rajouter une couche. Le journaliste du Sunday Times, qui avait apporté sa caution morale après avoir passé toute une saison avec accès illimité à tous les secteurs de l'équipe, a raconté que des médecins de Sky s'étaient opposés à Freeman lorsqu'il avait voulu solliciter une quatrième AUT pour Wiggins. Et que l'un d'eux, Alan Farrell, avait même changé l'identifiant qui permettait l'accès au compte ADAMS (le système d'administration et de gestion antidopage de l'AMA, l'agence mondiale antidopage) de l'équipe pour empêcher Freeman d'en faire la demande.
La Grande-Bretagne s'interroge désormais sur l'intégrité de Wiggins et Brailsford, qu'elle a pourtant anoblis après le succès du premier dans le Tour de France 2012. Selon le site Cycling news.com, des coureurs de Sky envisageraient de demander le départ du manager. Mais mardi, en montant dans sa voiture sur la route du Paris-Nice, à l'abri des vieilles pierres qui donnent son cachet au village de Chablis, Nicolas Portal, le directeur sportif français, répétait deux fois : «On est agacés, c'est pénible... C'est du pipeau complet ! Hier (lundi), Luke Rowe était très énervé de lire ça, Philip Deignan aussi. Dans l'équipe, on n'a aucun problème avec ça. Les coureurs sont super motivés, ça fait deux jours qu'ils sont au taquet, ça ne nous perturbe pas dans notre travail.»
Il ajoutait dans un soupir : «On est habitués, les (accusations de) moteurs dans le vélo, les coureurs qui dorment dans les caisses à oxygène, et quoi d'autre encore ? On a confiance en Dave. S'il s'en va, la structure restera. Mais nous, on ne veut pas que Dave parte, on ne veut pas voir quelqu'un d'autre à sa place.»
Comme prévu de longue date, Sky se retirera en tant que sponsor à la fin de la saison. Dave Brailsford lui aurait d'ores et déjà trouvé un successeur. Mardi, le manager a envoyé une lettre au président de la commission parlementaire en reconnaissant «des erreurs » mais en pointant du doigt les «fausses accusations». Saura-t-il se montrer suffisamment convaincant pour résister à la tempête et se maintenir à la barre du navire en 2018 ?
(*) Groupe de hackers qui a déjà obtenu et publié un certain nombre d'autorisations thérapeutiques de multiples sportifs.
Les réponses de l'équipe
Le Team Sky a publié un document répondant à certaines des questions posées par la commission parlementaire ou l'enquête de l'UKAD. En voici les principaux points.
Le fluimucil
Il s'agit du médicament présent, selon Dave Brailsford (manager général de Sky), dans le fameux paquet livré à Wiggins le soir de sa victoire dans le Dauphiné 2011. Le fluimucil est un banal décongestionnant pour les bronches mais Sky affirme : 1. Que la forme utilisée par l'équipe n'était pas disponible en France ; 2. Qu'en tant que médecin britannique, Freeman n'avait pas le droit de délivrer des prescriptions en France, d'où la nécessité de faire venir les ampoules du siège de British Cycling, où elles étaient stockées après avoir été achetées... dans une pharmacie de Munich.
Les dossiers médicaux
Les médecins devaient enregistrer les informations sur les traitements accordés aux coureurs dans un système Dropbox consultable par chacun des toubibs du staff. Sky explique cependant que le docteur Freeman a connu quelques difficultés d'adaptation à cette nouvelle technologie et qu'il a parfois préféré stocker les données sur son ordinateur personnel... qui lui aurait été volé en 2014.
Sky reconnaît ainsi ne plus disposer de données relatives aux traitements qu'a reçus Bradley Wiggins lors du Dauphiné 2011. «Mais il est faux d'en tirer la conclusion que l'équipe n'avait pas de dossiers médicaux ou que l'ensemble de notre équipe médicale était défaillante dans la conservation de ces dossiers », précise le document.
Le triamcinolone
Sky affirme que ses dossiers indiquent l'usage de 55 ampoules de ce corticoïde sur une période de quatre ans, de 2010 à 2013. «Une petite proportion seulement (sans davantage de précision)» a été administrée aux coureurs, et notamment à Bradley Wiggins sous couvert des AUT requises. La majorité a servi à l'usage privé du docteur Freeman (pour ses propres patients) et à soigner des membres du staff (dont Dave Brailsford lui-même). L'équipe affirme ne rien pouvoir confirmer du détail de ces usages, couverts par le secret médical.
L'organisation
Sky précise par ailleurs avoir sans cesse amélioré l'organisation de son staff médical et assure que l'équipe engagera, dans les prochaines semaines, un responsable de «la gouvernance médicale», chargé de s'assurer que tous les processus sont respectés mais aussi d'identifier les domaines qui nécessitent des améliorations.